Chauffer les réactions mécanochimiques par irradiation proche infra-rouge, c’est possible !
Des chercheurs de l’équipe Chimie Verte et Technologies Innovantes de l’Institut des Biomolécules Max Mousseron et du département de Chimie et Matériaux Macromoléculaires de l’Institut Charles Gerhardt de Montpellier (CNRS/Université de Montpellier/ENSCM) ont développé une approche innovante permettant de chauffer des réactions mécanochimiques, lors d’un broyage à billes sans solvant, afin de réaliser des réactions à haute énergie d’activation.
La mécanochimie, et plus particulièrement le broyage à billes, a connu un regain d’intérêt ces dernières années, car cette technologie permet de travailler avec des réactifs solides en l’absence de solvant. En plus d’éviter l’utilisation de solvants souvent toxiques et polluants, les avantages de cette approche vont de l’amélioration des temps de réaction, de l’efficacité et des rendements, à la facilitation de la purification et de l’isolement des produits. Cependant, le chimiste se trouve démuni quand il est nécessaire de chauffer le milieu réactionnel dans le cas de réactions à énergie d’activation élevée. Différentes approches existent actuellement, mais les plus prometteuses sont limitées à l’utilisation de matériaux conducteurs (acier inoxydable) pour le bol ou la bille de broyage.
C’est dans le cadre du projet ANR (Agence Nationale de la Recherche) FunctioMill que l’équipe Chimie Verte et Technologies Innovantes de l’IBMM (Frédéric Lamaty, Xavier Bantreil) et des chercheurs du département Chimie et Matériaux Macromoléculaires de l’ICGM (Julien Pinaud) proposent une nouvelle approche de chauffage en mécanochimie, peu coûteuse, pratique, sans danger pour l’utilisateur, adaptable à différents types de broyeurs à billes vibrants et qui ne nécessite pas l’utilisation de matériaux conducteurs. L’idée est d’introduire dans la composition des réacteurs un pigment organique, l’IR813 p-toluenesulfonate, qui possède des propriétés photothermiques. Sous irradiation dans le proche infrarouge, cette molécule absorbe les photons et restitue la majeure partie de l’énergie sous forme de chaleur.
Des réacteurs originaux en résine époxy, matériau utilisé pour la première fois en mécanochimie, ont été développés. Le criblage de différentes formulations a permis de sélectionner une résine permettant d’obtenir des bols de broyage résistants mécaniquement et chimiquement. Avec l’incorporation de 1% en masse de pigment IR‑813 lors de la réticulation de la résine, des réacteurs permettant d’atteindre une température interne de 120 °C sous irradiation à 850 nm ont été fabriqués.
La viabilité et l’utilité des réacteurs chauffants, placés lors de la phase de broyage sous une lampe à irradiation proche infrarouge, ont ensuite été démontrées en synthèse organique dans des réactions de Diels-Alder à haute énergie d’activation mais aussi dans le réarrangement de sydnone en oxadiazolinone, réaction qui nécessite un apport d’énergie additionnel au broyage. En absence d’irradiation, peu ou pas de produit attendu est obtenu durant le broyage alors que la présence de rayonnement infrarouge permet d’avoir d’excellents rendements.
L’utilisation de la résine époxy comme matériau d’avenir pour le broyage et la fabrication de cette première génération de réacteurs chauffants sous irradiation infrarouge laisse entrevoir de futures applications tout aussi intéressantes, que ce soit dans le design de nouveaux types de réacteurs ou l’amélioration de leurs propriétés, et la modification de leur composition pour des tâches dédiées.
Référence : Joao Tanepau, Hafsa Bonnaanaa, Angèle Macé, Arthur Guérin, Philibert Lenormand, Frédéric Lamaty, Julien Pinaud, Xavier Bantreil, Angew. Chem. Int. Ed., 2024, e202419354. Lien : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/anie.202419354