Cette équipe, dirigée par le Dr Florine Cavelier, se concentre sur la chimie des acides aminés et des peptides, du développement de nouvelles méthodologies en synthèse asymétrique jusqu’à la synthèse d’analogues de peptides bioactifs.

Nous possédons une expertise approfondie dans les acides aminés silylés et avons développé des relations structure-activité de peptides bioactifs en utilisant plusieurs outils pour améliorer la biodisponibilité et moduler l’affinité et la sélectivité des récepteurs ciblés. Nous sommes notamment impliqués dans la conception d’analogues stables de la neurotensine, pour moduler la sélectivité envers les récepteurs GPCR NTS1 et NTS2.

Un volet certes mineur de notre activité s’intéresse aux molécules odorantes, en particulier à la conversion des précurseurs thiols pendant la fermentation alcoholique (vin et bière), ou encore à l’éco-production d’extraits naturels et à leur valorisation.

Nous exploitons notre savoir-faire à la fois dans la chimie peptidique et la synthèse asymétrique pour développer des stratégies innovantes de synthèse totale de cyclodepsipeptides naturels, comprenant une sous-unité polycétidique, comme ceux de la famille des aurilides.

Nos Thématiques

Analogues de la neurotensine : cibler deux récepteurs pour deux objectifs thérapeutiques

La neurotensine (NT) est un tridécapeptide qui a été isolé pour la première fois dans l’hypothalamus bovin. Le fragment C-terminal NT[8-13] est la séquence bioactive minimale, qui induit une action antinociceptive et d’autres effets secondaires physiologiques tels que l’hypothermie et l’hypotension, par interaction avec ses récepteurs NTS1 et NTS2.

La sélectivité vis-à-vis de NTS2 est fondamentale pour exercer une activité analgésique sans effets indésirables. Nous développons des analogues de NT[8-13] en utilisant différentes approches, notamment l’incorporation d’acides aminés non naturels et la modification des liaisons peptidiques, afin d’améliorer leur affinité, leur stabilité et leur activité, dans le but d’obtenir un effet analgésique pour le traitement de la douleur.

Des études récentes ont démontré que la NTS1 est surexprimée dans plusieurs cancers. Nous développons de nouveaux analogues de NT[8-13] radiomarqués, hautement sélectifs vis-à-vis de NTS1, avec une stabilité plasmatique et une lipophilie accrues pour l’imagerie et la thérapie.

Acides aminés silylés et phospholylés : synthèse stéréosélective et applications dans le marquage radioactif ou fluorescent des peptides

Nous nous concentrons sur les méthodes d’accès aux acides aminés hétérosubstitués et sur leur utilisation pour le marquage des peptides par fluorescence ou pour l’imagerie par tomographie par émission de positrons (TEP). Dans ce domaine, des analogues 68Ga-NT[8-13] radiomarqués contenant de la (L)-triméthylsilylalanine (TMSAla) ont été développés et injectés dans des souris nues xénogreffées pour l’imagerie TEP de tumeurs surexprimant le récepteur NTS1. D’autre part, la synthèse stéréosélective d’acides aminés silylés et leur utilisation dans le couplage de peptides sont étudiées, pour un radiomarquage innovant de la neurotensine par la formation d’une liaison Si-18F.

Le développement de petits fluorophores fonctionnalisés émettant dans le rouge pour le marquage des biomolécules est un sujet d’actualité, pour l’étude des interactions moléculaires et biologiques ou des processus cellulaires. À cette fin, les phospholes, qui présentent les caractéristiques d’un système diénique ponté par un atome de phosphore tétraédrique, sont des hétérocycles p-conjugués attrayants, principalement développés pour les dispositifs optoélectroniques. Cependant, l’utilisation de phospholes fluorescents en bio-imagerie est rare, malgré l’absence de toxicité connue et la stabilité photochimique élevée par rapport à d’autres classes de fluorophores. Dans ce contexte, nous avons décrit une nouvelle classe d’acides aminés phospholes fluorescents ayant une bande de Stokes élevée et leur utilisation dans le couplage de peptides. Par ailleurs, nous avons étudié le couplage chimiosélectif de fluorophores à base de phospholes sur des peptides, par la formation de liaisons P-hétéroatomes, dans des conditions douces. Alors que la plupart des fluorophores sont des systèmes hétéroaromatiques étendus p-conjugués ayant une forte tendance à s’agréger dans les milieux biologiques, ce qui entraîne une diminution drastique de la fluorescence, les fluorophores à émission induite par agrégation (AIE) constituent une alternative intéressante. Nous avons donc développé une nouvelle classe d’acides aminés tétraphénylsiloles par hydrosilylation d’acides aminés insaturés ayant un comportement AIE et nous avons montré comment ils pouvaient être introduits dans des peptides par couplage en solution ou sur un support solide.

Les aurilides sont une famille de 11 depsipeptides macrocycliques que l’on trouve principalement dans les cyanobactéries marines. Leur structure générale peut être divisée en trois sous-unités : un pentapeptide, un polykétide et un α-hydroxyester. La partie qui demande le plus d’efforts, d’un point de vue synthétique, est la sous-unité polykétide complexe qui porte au moins une insaturation et trois stéréocentres contigus qui doivent être générés en même temps qu’une chaîne latérale aliphatique, dont la nature dépend du membre de la famille. Les études synthétiques concernant cette sous-unité publiées jusqu’à présent ont en commun l’utilisation d’une synthèse linéaire qui a pour point de départ la chaîne latérale susmentionnée. Par conséquent, la chaîne latérale est fixée au début de la synthèse qui évolue de droite à gauche. Cela signifie qu’en suivant cette stratégie, les voies proposées ne conduisent qu’à un seul composé. Il serait donc intéressant de développer une seule voie de synthèse commune permettant d’accéder à tous les aurilides. Dans ce contexte, notre équipe a développé un plan de synthèse conceptuellement différent impliquant une stratégie divergente, qui retarde l’introduction des chaînes latérales et de la sous-unité hydroxyacide à un stade tardif de la séquence synthétique.  Ainsi, la synthèse se déroule de gauche à droite, via l’utilisation d’un intermédiaire commun qui possède la fonction organique appropriée pour permettre l’introduction de différentes chaînes latérales.

L’accès aux différents stéréoisomères des composés bioactifs reste un problème difficile dans le domaine de la découverte de médicaments. En effet, ces stéréoisomères peuvent présenter des propriétés pharmacologiques, toxicologiques, pharmacocinétiques et métaboliques différentes. C’est pourquoi leurs effets doivent être évalués avec précision au cours du processus de découverte de médicaments. Ces considérations imposent d’améliorer les stratégies permettant d’obtenir rapidement tous les stéréoisomères d’une molécule chirale à tester.

Dans ce contexte, le développement de stratégies stéréodivergentes commutables, permettant l’accès à des composés stéréoisomères à partir d’un précurseur commun via une réaction stéréosélective en employant plusieurs réactifs différents, apporte une solution efficace en termes d’économie d’atomes et d’étapes synthétiques.

Nous développons des réactions commutables de substrats portant un groupe sulfoxyde comme auxiliaire, où la diastéréodivergence peut être réglée par des paramètres qui n’impliquent pas nécessairement des produits chimiques chiraux. Il s’agit d’un avantage majeur par rapport aux approches énantiosélectives, où la diastéréodivergence nécessite généralement l’antipode du catalyseur ou du réactif chiral. Comme application, nous avons décrit la synthèse diastéréodivergente de produits naturels énantiopurs tels que l’alcaloïde de la ciguë (+)-α-conhydrine et son diastéréomère (-)-β-conhydrine.

Les thiols variétaux ont un impact sur l’arôme global de nombreux vins blancs, rosés, rouges et bières. Ils proviennent du métabolisme des précurseurs d’arômes non odorants par la levure au cours de la fermentation, via une β lyase carbone-soufre (CSL). Cependant, ce métabolisme dépend directement de l’internalisation des précurseurs d’arômes et de l’activité intracellulaire de la CSL. Par conséquent, l’activité globale de la CSL ne convertit en moyenne que 1% du total des précurseurs disponibles. Afin d’améliorer la conversion des précurseurs thiols pendant la vinification ou le brassage, nous avons étudié la possibilité d’utiliser de manière exogène l’enzyme CSL de Lactobacillus delbrueckii subsp. bulgaricus produite dans E. coli. Nous avons tout d’abord mis en place une méthode spectrophotométrique fiable pour contrôler son activité sur différents précurseurs d’arômes apparentés et nous avons étudié son activité en présence de divers analogues concurrents et à différentes valeurs de pH. Cette étude nous a permis de mettre en évidence les paramètres permettant de définir l’activité de la CSL et de comprendre la structure de la reconnaissance du substrat, ce qui ouvre la voie à l’utilisation de la CSL exogène pour la libération d’arômes dans la bière et le vin.

Cet axe de recherche, fortement soutenu par des collaborations industrielles, porte sur l’extraction de différentes matières naturelles avec une vision la plus éco-responsable possible, pour la production d’ingrédients naturels utilisables dans les domaines des parfums, des arômes, de la cosmétique, de la nutraceutique et même de la thérapeutique. Les matières naturelles extraites sont (axe 1) des plantes régionales oubliées (Elaeagnus x submacrophylla, Coronilla valentina ssp. Glauca) (axe 2) des plantes invasives (cactus, algues sargassum), mais aussi (axe 3) des déchets ou coproduits (résidus d’extraction de résine d’arbre, coquilles d’huîtres comestibles). Au-delà de l’identification minutieuse des composés d’intérêt, les approches de valorisation biologique actuellement développées portent sur les activités anti-oxydantes, anti-inflammatoires, cicatrisantes et autres activités enzymatiques en lien avec des revendications dans le domaine de la cosmétique ou des dispositifs médicaux.

Les membres de l’équipe

Florine CAVELIER

DIRECTRICE

Florine Cavelier est directrice de recherche CNRS à l’Institut des biomolécules Max Mousseron (IBMM) à Montpellier (France). Elle a obtenu son doctorat en chimie organique à l’université de Montpellier en 1989 en travaillant sur les lanthionines, des peptides contenant un motif thioéther ayant des propriétés antibiotiques. Elle a passé deux ans en tant que membre de la Royal Society au laboratoire Dyson Perrins à Oxford (avec le professeur Jack Baldwin), où elle a étudié la biosynthèse de l’iso-pénicilline. Elle a ensuite obtenu un poste de chargée de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et a été promue directrice de recherche en 2003. Elle dirige actuellement l’équipe « Synthèse stéréosélective et acides aminés non naturels » à l’IBMM. Elle a été membre du conseil d’administration (2007-2022) et présidente (2011-2013) du « Groupe français des peptides et protéines ». Elle a été élue représentante française au Conseil de la Société européenne des peptides (2012-2020) et a été nommée au Comité Exécutif de l’EPS en tant que responsable des affaires scientifiques (depuis 2020). Ses recherches portent sur les acides aminés non naturels (y compris les acides aminés contenant du silicium) capables de moduler les propriétés des peptides biologiquement actifs et d’augmenter leur stabilité protéolytique.

Publications de l’équipe