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La force est dans la plante

par Jocelyne Gauthier - publié le , mis à jour le

Agrochimie

La force est dans la plante

Pour remplacer les traitements chimiques utilisés par des agriculteurs, des chercheurs ont mis au point et breveté une molécule qui stimule les défenses naturelles des plantes.
Toxicité, pollution des nappes phréatiques, dégradation des sols… La liste des méfaits des traitements chimiques utilisés en agriculture fait toujours autant frissonner. Or depuis des années, de nombreux groupes de recherche s’attachent à développer des alternatives propres sans vraiment parvenir à combiner développement durable et culture intensive. Le problème est pourtant crucial, notamment en viticulture où les traitements phytosanitaires nuisent, en prime, à l’image des vignobles de renom. Sur les paillasses de l’Institut des biomolécules Max Mousseron (IBMM)1 de Montpellier, une stratégie novatrice de protection des plantes est au point : plutôt que de combattre le pathogène comme le ferait un pesticide, de nouvelles molécules biodégradables et non toxiques viennent stimuler les défenses naturelles des végétaux, de façon préventive, contre les bactéries, virus et champignons. Ce produit breveté était présenté en juin dernier au Salon européen de la recherche et de l’innovation, et l’équipe a reçu en 2007 le trophée Inpi de l’innovation en Languedoc-Roussillon.
Comment fonctionne ce nouveau traitement ? « Il s’agit de fournir à la plante une substance jouant le rôle de signal pour stimuler ses mécanismes naturels de défense. Un “éliciteur”, de nature peptidique », précise Florine Cavelier, directrice de recherche CNRS à l’IBMM. À l’origine du projet, la chercheuse avait d’abord constaté cet effet chez une famille de molécules : des peptides synthétisés par des champignons Trichoderma. Problème : ils sont difficiles à produire et donc trop onéreux pour l’agrochimie. « Nous avons alors regardé cette molécule comme un objet et non plus comme une structure chimique complexe. Nous avons cherché à fabriquer un peptide simplifié, dont la structure se rapprocherait au maximum de celle des peptides naturels pour qu’il réussisse tout de même à stimuler les défenses de la plante », continue-t-elle.
Résultat, l’équipe a fabriqué un composé au nom de code « Lapp 6 ». Sa capacité à induire une protection a d’abord été testée en laboratoire à faibles doses sur des plans de melons, concombres et sur de jeunes pieds de vigne. Le succès fut au rendez-vous, puisque deux marqueurs précoces de la stimulation des défenses naturelles ont été rapidement détectés. Ensuite, cette substance a aussi été améliorée pour renforcer la lutte contre des agressions spécifiques : mildiou ou oïdium, notamment pour la vigne. Finalement, en 2005, des essais homologués ont été réalisés en plein champ sur des vignes dans trois vignobles en Bourgogne, Loire-Atlantique et Languedoc. Le traitement, appliqué par vaporisation sur les feuilles, a permis une protection significative des grappes, malgré une action moins marquée sur les feuilles.
Dès 2001, l’équipe de l’IBMM avait décidé de breveter son projet, puis d’étendre le brevet à l’international en 2003. Aujourd’hui, l’innovation appartient au CNRS et à la société
De Sangosse d’Agen, spécialiste des solutions phytosanitaires. Pour autant, le travail n’est pas fini : « Nous tentons d’analyser notamment la stabilité du produit dans le temps, son interaction dans le milieu environnant et sa formulation exacte », annonce Florine Cavelier. Déjà, des critères assurent dans tous les cas au Lapp 6 une entrée sur le marché de l’agriculture raisonnée : sa facilité de synthèse, son activité à des doses très faibles, sa non-toxicité et sa biodégradabilité.
Aude Olivier

Notes :
1. Institut CNRS / Universités de Montpellier-I et II.

Contact :
Institut des biomolécules Max Mousseron (IBMM), Montpellier

Florine Cavelier :
florine univ-montp2.fr

Jean Martinez :
martinez univ-montp1.fr

Voir en ligne : Journal du CNRS